Micros guitare, ne nous laissons pas embobiner !
Je monte des micros pour nos guitares et pour des clients, par envie, par passion, mais aussi par nécessité, faute d’avoir trouvé ce je voulais. Mais ce n’est pas mon fonds de commerce. D’ailleurs, je n’en parlais pas jusqu’à ce que nous décidions (enfin) de refaire notre site. Je souhaitais que cela reste, nous dirons, intime. Aussi ce qui va suivre s’adresse à des personnes qui s’intéressent à notre travail bien sûr, mais aussi à ceux ou celles qui souhaiteraient quelques éclaircissements dans la masse d’informations qu’on leur sert sur le sujet. Et qui après avoir essayé de nombreux sets de partout et de tout le monde restent un peu sur leur faim. Eux, je les plains vraiment. Car lorsque je vois les argumentaires des boutiques, les témoignages, le marketing, les modes, je suis bien heureux de bobiner mes sets. Parce que sinon je crois que je m’y perdrais.
Quelques éclaircissements
Aussi, le but de ce billet n’est pas d’acquérir de nouveaux clients et de noircir notre carnet de commandes. Je ne fais que deux fournées par an et je n’ai pas franchement l’intention d’en faire plus. Pourquoi ? Parce que je ne trouve pas ça très drôle de fabriquer des micros. Cela m’amuse quelques semaines. Je m’y mets chaque matin pendant la période de bobinage, mais l’après-midi je file dans la forêt et aussitôt rentré, je me remets sur un ampli. C’est très frustrant de passer son temps à guider le fil : on ne peut pas bouger, on doit faire preuve d’une grande concentration et ça use les yeux, parce que je ne sais pas si vous en avez vu de près, mais le fil de bobinage est arachnéen : le 42AWG, ce n’est vraiment pas épais ! Aussi, si après cette lecture vous aviez l’impression d’y voir plus clair, que cela vous ait intéressé(e), que vous aviez envie d’en savoir un peu plus ou même que vous décidiez de bobiner vos propres micros, quelque part j’aurais réussi. Je suis peut-être arrivé à un âge ou à un moment de ma vie professionnelle où je suis plus touché par les remerciements que par les euros. D’ailleurs je me demande si ça n’a pas toujours été le cas.
Un bon micro c’est quoi ?
On pourrait commencer par : “Ce n’est pas facile de répondre à cette question”. Mais en fait, non. Et ça ne me paraît pas si difficile que ça. Selon moi, un bon micro est un micro équilibré, qui fait de la place à toutes les fréquences en privilégiant celles qui sont flatteuses pour notre oreille.
Ensuite, l’important est de savoir quelles fréquences vous aimeriez mettre encore plus en valeur. C’est là que devrait se situer le vrai choix. Car comme pour le vin et la cuisine, certains micros ne vont peut-être pas se marier idéalement avec le style de musique que vous pratiquez ou avec telle ou telle guitare ou ampli. Je dis bien idéalement, car un bon micro sonnera bien quoiqu’il arrive. Il ne sera pas boueux, nasillard, aigre, faiblard ou trop puissant, avec trop de médiums, de basses ou d’aigus. Mais peut-être qu’il mettra moins en valeur une guitare qui souffre d’une mauvaise électronique que son copain plus brillant. Ou qu’il sera moins adapté pour le riff de “Black Dog” que son pendant plus acide.
Aussi, notre boulot à nous, les bobineurs, c’est de faire de bons micros, solides, qui ne se dépiautent pas dès qu’on les touche et d’en faire éventuellement sous différents modèles qui sauront chacun mettre en valeur telles ou telles caractéristiques : un peu plus riche en mediums, en bas mediums, un peu plus brillant, rond, chaud…
connaître l’histoire
Nos oreilles ont été éduquées à force d’écouter la musique des années 50, 60 et 70. Donc d’une certaine façon elles ont été formatées. On peut même dire que les sons de guitare actuels, quels qu’ils soient, sont encore les héritiers des musiques de ces années-là.
À la genèse de la musique amplifiée, créer une guitare électrique, donc créer des micros n’était pas une mince affaire. Il fallait que le son de ce nouvel instrument soit accepté par les musiciens et capable de flatter leurs oreilles comme celles du public. Tout ce travail a été fait par des génies comme Leo Fender et Seth Lover. Aidés par des ingénieurs et des équipes compétentes, ils ont créé non seulement des instruments nouveaux mais aussi une école de son, inscrivant dans le marbre des références très marquées. Ils ont façonné notre oreille et notre passion.
Sans se soucier de toutes les batteries de test qu’ils ont dû effectuer et de ce qui a motivé leurs choix définitifs, il me paraît intéressant de se focaliser plutôt sur les process de fabrication.
Chez Fender, le culte de la qualité et du travail bien fait était très présent. Leo tenait en haute considération ses ouvrières… Qui étaient par ailleurs bien payées comparativement à leurs collègues affectées aux bureaux par exemple. Il avait formé les premières, puis celles-ci en formaient d’autres, etc. Cette transmission du savoir et de l’esprit ‘maison’ a été primordiale. Chaque employé(e) se sentait concerné(e) par la qualité de son travail et croyait en son importance dans l’entreprise ainsi qu’au respect du client. Leo disait : “Sérieux dans ce que nous faisons, fier de ce que nous faisons”. Un manager comme on aimerait en voir plus souvent aujourd’hui, j’imagine. Ces dames (pas d’hommes car on considérait que ceux-ci possédaient des mains trop rugueuses et qu’ils n’étaient pas capables de faire un travail aussi délicat) ont bobiné “à la main” jusqu’en 1965 (date du rachat par CBS). Par la suite, l’entreprise a automatisé le process avec des machines pour se destiner à une production de masse. Mais il est communément admis que les meilleurs pickups ont été faits avant, lorsqu’ils étaient bobinés à la main.
BOBINAGE À LA MAIN ? VRAIMENT ?
Selon moi, il est édifiant de comprendre l’état d’esprit dans lequel ces femmes travaillaient. Premièrement elles étaient soigneuses et prenaient le temps qu’il fallait pour obtenir la qualité demandée : le bobinage à la main est une opération longue et délicate. Ensuite, elles ne bobinaient que 4 heures par jour. Leo considérait que c’était usant et ne désirait pas qu’elles en fassent plus.
Lorsque l’on fait référence aux micros faits main ou bobinés à la main, l’on devrait plutôt parler de guidage manuel du fil. La bobine est fixée sur un tour électrique, un compteur indiquant le nombre de rotations, et charge à la technicienne de guider ce fil pour qu’il remplisse la bobine. Mais ce n’est pas aussi simple qu’il n’y paraît. Il faut respecter un nombre de tours par couche (TPL), sinon cela devient vite anarchique. Et exercer une tension correcte sur le fil : beaucoup trop, il casse ! Trop, le bobinage sera très serré. Pas assez, au mieux, le micro sera microphonique ou faiblard. Au pire vous allez vous retrouver avec une perruque à démêler. La distance entre la main qui guide et la bobine joue aussi un rôle, de même que la vitesse de rotation. La routine de l’ouvrière qui fait en sorte de guider le fil de manière appropriée pour qu’il vienne se nicher au bon endroit, est tout aussi influente. Tous ces facteurs doivent être maîtrisés pour obtenir une bobine chargée d’une manière uniforme avec un fil tendu comme il faut, sans risque qu’une des spires s’échappe au moment du bobinage ou plusieurs années après, comme j’ai pu voir sur certaines guitares. Enfin, vous aurez remarqué que les bobinages sur les vieux micros ont un profil légèrement incurvé. Ce ‘design’ lui aussi, joue son rôle.
Ces femmes, en dominant parfaitement leur technique et en maîtrisant toutes ces contraintes, ont créé le son des années 50 et 60. Et par là même, le son d’aujourd’hui.
Scatter Winding
À l’heure des machines performantes (certaines machines à bobiner me font rêver et je me dis qu’il doit être bien agréable de programmer le nombre de tours, la tension du fil, le TPL, … Puis faire nonchalamment quelques riffs de guitares en regardant les bobines se remplir), on s’aperçoit que le rendu est loin d’être fameux. Le résultat mécanique et esthétique est excellent : les spires sont bien rangées, idéalement tendues, la bobine est belle comme tout… Mais ça ne sonne pas ! C’est fade, sombre, ça manque d’aération, de détail. Bref ce n’est pas terrible. Je suis sûr qu’un jour ou l’autre vous êtes déjà tombé(e) sur des micros comme ça. Superbes ! Mais à la vue, pas au son.
Certains fabricants sont donc revenus à un guidage manuel. En développant leurs routines de bobinage, quelques-uns d’entre eux se sont aperçus qu’ils pouvaient intervenir sur le son de leurs micros. Si on les écoute, ils auraient compris qu’il ne faudrait surtout pas guider le fil d’une manière scolaire et académique. Mais plutôt d’une façon aléatoire, en réalité qui ne l’est pas, car à force de tests, leurs routines de bobinage ont évolué au point d’obtenir de meilleurs résultats, donc un meilleur son. La belle affaire ! On a appelé ça le Scatter Winding.
Sérieusement, à part si on n’est pas très futé(e), ni motivé(e) ni très professionnel(le), à partir du moment où l’on fait du guidage manuel, on fait tous quelque part du Scatter Winding. Tout du moins j’ose l’espérer.
Si j’utilise une machine minimaliste, avec juste un rotor et un compteur c’est parce que je souhaite retrouver les mêmes conditions que les ouvrières de Fender à leurs tout débuts. Placer ma main de guidage a tel endroit, tenir compte de ma fatigue, de ma capacité à tenir mon attention et amener le fil là où je le souhaite pour que d’une part la bobine tienne physiquement, que les fréquences soient bien représentées et que le son soit aéré. Parce que n’étant pas plus bête qu’un autre, je me suis rapidement rendu compte avec ma petite bécane, qu’il y a des trucs à faire à certaines phases du bobinage, pour que le son soit meilleur. Ça me demande de la lucidité et de la concentration et étrangement, comme Leo disait, je ne peux pas le faire plus de quatre heures par jour. Sinon, je casse le fil, je ne respecte plus mes routines ou j’oublie mon ‘Scatter Winding’ comme ils disent. En revanche ce qu’ils ne disent pas, c’est que la vitesse à laquelle tourne le rotor est influente elle aussi… et s’ils font du Scatter Winding à grande vitesse. Parce que là, quelque part, selon moi, on perd un peu du bénéfice de cette technique. Mais je peux comprendre : pour que ce soit plus rentable, il vaut mieux que ça tourne vite.
Single coil, anatomie
La bobine est composée d’une base (appelée flatwork ou base plate). Sur cette base l’on fixe les poles magnet (aimants). Les poles sont en Alnico qui peuvent être de différentes natures (Alnico 2, Alnico 3, Alnico 4, etc.). Chacun de ces poles aimantés est affecté à une corde de la guitare. Vient se nicher, au-dessus des poles magnet, le toit de la bobine qui consolide l’ensemble. Le début et la fin du fil de cuivre qui sera enroulé autour des magnets sont soudés à des contacts placés sur la base. On les reliera par la suite à la masse de la guitare et au sélecteur de micros.
Dans le détail
La base : elle est faite généralement en fibre vulcanisée appelé aussi “fish paper”. C’est le même matériau que nous utilisons pour les boards qui accueillent les composants sur nos amplis. De la même façon, ce matériau était initialement utilisé par Fender sur les Tweeds et les Blackface.
Les poles magnet : Ces aimants sont destinés à capter les vibrations des cordes. La nature de l’alliage Alnico (Aluminium-Nickel-Cobalt) détermine à la fois la force du signal émis mais aussi le timbre. Les Alnico 2 et 5 sont généralement les plus représentés parmi les micros Strat.
En général, les fabricants choisissent quel type d’Alnico (généralement 2 ou 5) équipera leur pickup. Souvent ils donnent leur recette. Ce qui fait que le client connaît à l’avance le type d’aimant qui équipera son micro. Je ne le fais pas. J’ai été orienté dans mes choix par un vieux Monsieur, ancien ingénieur chez F….r qui a travaillé sur les micros à la belle époque. Grâce à son savoir et de nombreux tests, j’ai déterminé quel type de magnet je souhaitais mettre selon les gammes de micros que je fabriquais mais aussi selon son emplacement et la corde qui lui était assignée. Donc c’est un peu plus complexe que cela et je ne me vois pas rentrer dans les détails. Disons que c’est ma cuisine interne.
Le fil : C’est le même type de fil que pour les transformateurs : fil de cuivre très fin, paré d’un revêtement isolant. Deux gauges (sections) : 42AWG et 43AWG. Le 42AWG est le standard tandis que le 43 AWG est plus fin. Il permet de placer plus de spires sur une bobine. Utilisé pour des micros que l’on souhaite plus gras et à plus fort niveau de sortie.
Le fil doit être d’excellente qualité. C’est un aspect dont on parle rarement dans les argumentaires. Pourtant, comme pour les amplis ou les guitares, la qualité des composants joue une importance capitale. Et le fil est un des matériaux de base dans la construction d’un micro. Il est protégé par une résine isolante qui elle aussi, a son importance.
L’isolant : Jusqu’au début des années 60, Fender utilisait du fil revêtu de résine Formvar (appelé aussi Heavy Formvar), un isolant électrique courant. Puis peu à peu l’Enamel (ou Plain Enamel), lui aussi très courant, a pris le relais. “Enamel” se traduit en Français par “émail”. On pourrait considérer que l’importance de l’isolant est négligeable. Pourtant, un micro enroulé avec du fil revêtu de Formvar aura un timbre et un caractère différents du même micro enroulé avec du fil isolé avec du Plain Enamel. C’est dû au fait que le revêtement en Formvar est plus épais. Aussi la distance qui sépare les spires est plus importante. Cela va jouer sur la capacitance et l’inductance. Ce n’est pas une vue de l’esprit c’est une réalité. C’est pour cela que les micros des années 50 sont plus brillants, aérés, typés, ont moins des mediums et des basses plus métalliques. Un micro “Enamel” sera plus chaud, plus rond, plus velouté. Plus sombre aussi.
Pour savoir de quel type d’isolant votre micro est pourvu, observez la couleur des enroulements de la bobine :
Enamel : entre brun et pourpre foncé.
Formvar : ça tire sur le cuivré un peu rose.
L’enduction à la cire :
Lire l’article sur le sujet : Micros Guitare : Wax ou anti-Wax ?
Caractéristiques techniques
Résistance : une donnée souvent mise en exergue dans les argumentaires, est la résistance au courant continue : “DC resistance”. Elle s’exprime en Ohms (ou dans le cas qui nous intéresse kilo-Ohms ou kOhms ou kilOhms). En général la résistance d’un micro de Strat vintage se situe entre 5,6 kOhms et 6,5 kOhms. La mesure des micros vintages montre que cette valeur a fluctué avec les époques. Nous dirons que dans les années 50, les valeurs moyennes étaient proches de 5,7 kOhms pour finir au moment du rachat par CBS vers 6,4 KOhms. Cette résistance dépend de la qualité du fil et de sa section bien sûr, mais aussi du nombre de tours qui ont été réalisés, car elle est liée implicitement à la longueur du fil. Or, plus il y a de fil, plus le signal aura tendance à être fort. Ce n’est pas énorme d’un point de vue technique, mais perceptible à l’oreille. La contrepartie est que plus la résistance est élevée et plus l’on perd du détail. Vous connaissez par exemple le dégât que peut faire un bouton de Volume dans l’équilibre du son d’une guitare si vous avez le malheur de le baisser. C’est le même principe. Les aigus sont les premiers à en pâtir. Aussi un micro avec une forte résistance donnera l’impression d’être plus puissant, mais aussi plus chargé en mediums dans le meilleur des cas et peu précis et boueux dans le pire.
Pour cette raison, il est préférable de mettre le micro le plus chargé en positon Bridge et le moins chargé en Neck.
La résistance donne donc une idée de ce que vous pourriez obtenir en termes de son.
Ne pas se FIER aux apparences
On pourrait croire qu’il suffit d’appliquer les vieilles recettes pour obtenir le son fabuleux dont vous rêvez. Imaginons par exemple, que vous souhaitiez fabriquer une bobine identique à l’une de celle de la Série L de votre pote. On peut légitimement penser qu’une fois que vous avez mesuré la résistance et repéré de quel isolant le fil est revêtu, le tour est joué. Il suffirait de vous mettre à la machine et d’enrouler quelques bobines qui auraient approximativement la même résistance. Certes ! C’est ce que fait beaucoup de monde. Mais je peux vous garantir que même si le résultat peut être plaisant, ça ne va pas sonner comme la Série L du copain. Car ce serait faire fi de l’évolution du matériel. C’est exactement comme pour les amplis, appliquer la même recette mais avec des composants modernes, sans tenir compte de certaines données qui ont changé avec le temps, ne garantit pas que ça va sonner de la même manière.
Electromagnétisme : Les plots du micro sont des aimants. De fait, ils génèrent un champ magnétique plus ou moins fort selon leur charge et la nature de l’alliage. Plus le numéro associé au type d’Alnico est élevé et plus la force de ce champ est importante. Alnico 2 sera plus faible qu’Alnico 3 et ainsi de suite. Cela va influer sur le niveau de sortie, ensuite sur le timbre car cela joue aussi sur le pic de résonance du micro et donc sa faculté à mettre en valeur telles ou telles fréquences… Mais aussi sur le sustain. Car selon que le micro est placé plus ou moins près des cordes, le champ magnétique généré par des plots puissants peut empêcher celles-ci de bien vibrer. La plupart des constructeurs proposent des micros chargés avec des plots Alnico 2 et Alnico 5 pour être proches des modèles anciens. Je ne peux pas dire que je m’inscris dans cette démarche.
charge magnétique des plots
Vous pouvez acheter des plots déjà chargés. Auquel cas c’est très pratique. Mais vous ne contrôlez rien car vous êtes dépendant du fournisseur. Nous préférons les charger nous-même et contrôlons cette charge au Gaussmètre. Le Gauss est l’unité de mesure de la force du champ magnétique. Ainsi nous savons exactement où nous en sommes et obtenons ce que nous voulons. Il est connu que les aimants des guitares anciennes ont un déficit de charge d’environ 20% par rapport aux guitares modernes. De fait, des facteurs de micros proposent de ‘sous-charger’ leurs aimants. Je n’approuve pas cette méthode que je trouve inadéquate et préfère jouer sur d’autres paramètres pour me rapprocher du son désiré.
Capacitance, inductance et autres mots en ’ance’ : un micro, comme le circuit électrique qu’il est, peut se résumer à un circuit RLC : un générateur (corde et magnets), une bobine (inductance - unité : Henry), une capacité (capacitance - unité : Farad) et une résistance (impédance - unité : Ohms). Parfois vous retrouvez ces valeurs sur les sites du fabricant ou sur la doc qui est fournie avec vos micros. Elles peuvent donner indirectement des indications sur le pic de résonance du micro. Mais je doute que cela aide un client à bien choisir son set.
Nombre de tours par couche (TPL) : le TPL (Turn Per Layer - en Anglais) est aussi un élément important qui concerne essentiellement le technicien. Pour remplir une bobine de façon uniforme, propre et correcte, il faut tenir compte de la hauteur de la bobine, bien évidemment, et de la section de fil. En pratique, lorsque vous enroulez du fil, vous devez faire attention au nombre de tours que vous allez placer sur une hauteur de bobine. De haut en bas puis de bas en haut. Un TPL de 100 par exemple indique que vous allez placer 100 enroulements de fils sur une hauteur. Ce qui constituera une couche. Fender et Gibson possèdent leurs propres TPLs.
Le TPL joue bien évidemment son rôle dans le son que vous obtiendrez. Plus il est élevé et plus cela va charger votre micro jusqu’à lui donner éventuellement une forme biscornue. De plus, il aura tendance à être sombre et riche en mediums. Plus il est bas et plus le micro sonnera aéré voire maigrichon. Le TPL joue aussi sur la tenue finale, la solidité et l’esthétique de votre micro. Donc il s’agit d’un élément important dont le facteur de micro doit tenir compte.
Le pic de résonance : Un objet physique dispose d’une ou plusieurs fréquences de résonance. Il aura tendance à filtrer avec plus ou moins d’efficacité les autres fréquences. C’est donc au final cette ou ces fréquences de résonance que l’on retiendra en priorité. Car elles donneront, d’une certaine façon, la carte de visite sonore de l’objet. Dans le cadre d’un micro, les facteurs comme le type de magnet, leur charge, le revêtement du fil, son diamètre, sa qualité, le nombre de tours, le nombre de tours par couche (TPL), la taille de la bobine, la manière dont il a été bobiné, etc. ont leur rôle à jouer. C’est donc une donnée importante dans l’absolu et qu’il faut connaître d’un point de vue technique, mais en ce qui concerne le choix d’un micro ça n’a qu’un intérêt relatif. Car avec des mots comme brillant, rond, chaud, basses maîtrisées, mediums clairs ou vaseux, on arrive très bien à donner une idée du résultat obtenu et la communication paraît beaucoup plus universelle… Il me semble.
L’artisanal, l’aléatoire et l’influence de l’humain
S’il y a selon moi une chose à retenir, c’est que l’apport de l’humain et la place de l’aléatoire sont loin d’être négligeables. J’aurais tendance à croire que, dès lors que vous êtes capable de bobiner en respectant les règles physiques, mécaniques et électriques, il est possible, je dis bien possible mais pas sûr, que vous fassiez un bon micro. Si tant est que vous guidiez à la main, que vous respectiez un TPL conforme, que vous appliquiez une tension correcte, qui sera de toute façon variable puisqu’il n’est pas humain de tenir un fil de la même façon, en effectuant la même pression, pendant plusieurs minutes, et que les composants que vous avez choisis soient conformes et de bonne qualité. À partir du moment où il y aura une part d’aléatoire, d’humain dans votre bobinage, il y a de fortes chances pour que votre micro respire et soit aéré.
Après, pour faire des excellents micros en série, il faut passer par des phases de tests, de réglages, d’apprentissage, remplir des carnets de notes et ne pas hésiter à bousculer les habitudes des bobineurs qui pour certains font ce qu’ils pensent être correct, parce qu’à l’époque c’était fait comme ça. Mais ce qui est correct n’est pas toujours le mieux. Et c’est là où l’artisan a son mot à dire, car en s’imposant comme objectif d’obtenir le son qu’il a en tête sans s’obstiner à copier bêtement, il peut sans limitations réinventer, améliorer, interpréter. Et l’on apprend peu à peu que pour faire aussi bien (sans être à l’abri de faire mieux), parfois il faut faire différemment.
Faire du vieux avec du neuf
Faire du vintage avec du neuf est une sorte de Graal, dont clients comme fabricants sont en quête. Je considère qu’il y a plusieurs façons de faire :
La méthode “old school” : se mettre en quête des matériaux, des outils ou des machines qui étaient utilisés, en espérant qu’il soit possible d’en trouver encore dans un état correct. Puis respecter les process de fabrication à la lettre. Ce serait un peu comme essayer de reproduire la “Jeune Femme à l'aiguière” de Vermeer en espérant tomber sur un échantillon de bleu outremer du maître néerlandais. C’est quand même pas gagné ! Et surtout ce n’est pas toujours gage ni de fiabilité, ni de réussite.
La méthode scolaire : on fait tout pareil, en respectant à la lettre les données (accessibles aisément moyennant un peu de recherche), mais avec des matériaux modernes. Ça peut être pas mal. Mais ça n’aura rien à voir avec le modèle. Au mieux cela sonnera moderne-sympa. Je dis bien au mieux car j’ai tellement vu et entendu des micros de ce type, que je me suis souvent demandé si leurs fabricants les avaient déjà testés.
Je me suis donc résolu à admettre que d’autres pouvaient avoir des idées diamétralement opposées aux miennes, afin de respecter malgré tout leur intégrité et ne point médire.
La méthode créative : écouter, analyser, essayer de comprendre, recenser tous les éléments dont on dispose, comparer, essayer de comprendre, se planter, rechercher, analyser, chercher les matériaux, les tester etc … C’est un long processus et parfois ça vous taraude la tête. C’est une voie qu’il ne faut pas avoir peur d’emprunter seul, mais au bout du compte c’est tellement enrichissant. C’est la voie que j’ai choisie pour mes micros.
La méthode mixte : mélanger la méthode créative et la méthode “old school” dès lors que j’étais sûr de trouver des stocks de composants fiables et de très haute qualité est le chemin que j’ai adopté, il y a de nombreuses années, pour mes amplis. Et ce voyage temporel permanent, ces odeurs de vieux composants stockés avec soin, et leur mariage avec les nouveaux… ça me remplit toujours de joie. Et puis après tout, comme disait Goethe : ”Le but, c’est le chemin”. N’est-ce pas ?
Note : pendant que j’écris ces lignes, j’en profite pour dire que je n’ai plus de places pour les batches de cette fin d’année et de mi 2022. En revanche, il me reste encore quelques places pour fin 2022. Je vous remercie pour votre confiance et votre compréhension.